Enjeux

Enjeux

Une réalité ancienne et fréquente

Le Trouble Déficit de l’Attention / Hyperactivité (TDA/H) est un syndrome rassemblant des signes qui appartiennent à trois domaines, les deux premiers concernant la motricité, le troisième la concentration :

 

  • hyperactivité,
  • impulsivité,
  • difficultés d’attention.

 

Autre manière de le présenter, ce syndrome rassemble les signes relevant de deux formes d’instabilité : l’instabilité motrice (hyperactivité + impulsivité) et l’instabilité de l’attention.

 

Par leur nature les signes du TDA/H ne différent pas des comportements normaux de l’enfance, un âge où il est naturel de gigoter, s’impatienter ou rêvasser, au moins une partie du temps.

Mais les enfants hyperactifs et impulsifs ont beaucoup plus de mal que les autres au même âge, à rester assis sans bouger continuellement. Et, souffrant d'une attention instable, ils ont « la tête ailleurs » presque sans relâche.

 

À l’observation ce qui distingue donc le TDA/H des comportements banalement distraits ou turbulents, c’est avant tout le caractère envahissant des phénomènes et leur ancienneté.

Car l’instabilité motrice et attentionnelle du TDA/H s’exprime en tous lieux, à l’école, en famille, dans le sport, les loisirs, les jeux, ... à tout instant, et cela depuis longtemps.

Anciennement reconnu, ce syndrome a été dépeint originellement chez l’enfant, il y a un siècle et demi, par des médecins et des psychologues. Pendant longtemps c’est l’instabilité motrice que ces pionniers ont mise au premier plan.

Puis la science moderne s’est exercée à une relecture du syndrome. Le « déficit d’attention » a conquis la première place dans l’ensemble du TDA/H, plaçant l’hyperactivité-impulsivité en second. Une description plus rigoureuse du syndrome a été publiée sous la forme des « Critères diagnostiques du TDA/H dans le DSM-5 », régulièrement remis à jour. La version actuelle date de 2013.

 

Le DSM-5 est le manuel élaboré par l'Association Américaine de Psychiatrie qui fournit la définition fonctionnelle et normative du syndrome, la plus répandue aujourd’hui. « TDA/H » est le nom utilisé partout actuellement, dans la recherche scientifique de pointe d’abord, et dans la pratique médicale quotidienne ensuite. Et il a gagné largement le langage courant.

 

Outre l'Association Américaine de Psychiatrie, un second organisme, l’Organisation Mondiale de la Santé, diffuse au niveau mondial une autre définition du syndrome, à travers sa Classification Internationale des Maladies, actuellement la CIM-10. Il y a donc une dualité, DSM et CIM, analysée dans « Classifications internationales ».

Pour quelques temps encore, l’OMS entérine et perpétue la prépondérance des signes moteurs dans sa vision du syndrome, comme l’indique la dénomination retenue par elle : « Troubles Hyperkinétiques ». Cependant la prochaine version, la CIM-11, en usage à partir de 2022, s’alignera sur les standards du DSM-5, accordant le primat au déficit d’attention.

 

En France, il n'est pas rare de rencontrer encore une expression vernaculaire : « Instabilité psychomotrice ». Écho du passé, c’est le nom originel du syndrome, apparu au XIXème siècle dans l’hexagone, et désormais vestige de temps révolus. Cette dénomination élégante et éloquente ne conserve, hélas, qu’un intérêt historique et littéraire, car elle ne répond plus à aucune exigence scientifique moderne.

L’histoire de ces dénominations, et leur raison d’être, est à lire dans « Histoire du TDA/H ».
 

Un continuum, du normal au pathologique

Dans un ensemble assez grand d’enfants pris au hasard, un continuum existe eu égard aux symptômes constituant le TDA/H, un dégradé de situations sans ligne de rupture franchement dessinée.

Une vaste majorité des enfants présente des comportements banals, occasionnellement remuants et distraits mais sans conséquences notables. D’autres enfants, moins nombreux, ont quelques signes un peu plus marqués, avec un retentissement léger ou modéré. Ainsi de suite : le nombre, la fréquence et la sévérité des signes vont croissants chez des enfants en nombres décroissants, jusqu’aux situations les plus extrêmes, les plus rares et les plus pathologiques.

 

Une question épineuse en découle. Au long de ce continuum, où placer une borne au-delà de laquelle le TDA/H mériterait d’être légitimement diagnostiqué ?

Pour y répondre, ce sont les enquêtes épidémiologiquesrépétées à travers le monde, avec leurs cortèges de statistiques, qui fournissent les repères nécessaires.

Le nombre, la fréquence et la sévérité des symptômes mesurés ainsi fondent des seuils, au-delà desquels les conséquences préjudiciables pour l’enfant augmentent significativement, ce qui légitime alors le diagnostic. Ces seuils varient avec l'âgecar le syndrome évolue au long d’une vie.


L’âge et le développement biologique du cerveau influent beaucoup sur le TDA/H.

Les premiers signes observables de ce syndrome apparaissent tôt dans l’enfance, bien avant 5 ans ; ils sont liés à l’instabilité motrice, avec une spectaculaire incapacité de se poser dans une activité de jeux avec les autres enfants de l’école maternelle.

Mais le diagnostic du TDA/H n’est posé avec fiabilité qu’après 6 ans, usuellement quand les troubles de l’attention deviennent flagrants, après l’entrée dans l’âge de raison. Les apprentissages scolaires (lecture, écriture et calcul), couteux en attention, en souffrent à l’école primaire.

À la fin du collège et au lycée, les facultés d’organisation et l’autonomie sont prises en défaut quand le TDA/H est encore assez présent.

 

De la plus jeune enfance jusqu’à l’aube de l’âge adulte, le TDA/H est donc marqué par les grandes étapes du développement biologique du cerveau humain, par sa maturation, et par son adaptation plus ou moins accomplie aux exigences progressivement croissantes de l’environnement familial, scolaire et social.

Voilà pourquoi le TDA/H est classé parmi les « Troubles neuro-développementaux ».

 

Quels modèles pour le TDA/H ?

La maturation biologique du cerveau dans ses aspects normaux ou déviants, s’étudie à travers de nombreuses disciplines scientifiques : la génétique, la neurobiologie, la neuropsychologie, .... la liste et longue. Elles détaillée dans la rubrique « Science et recherche ».

 

Partout dans le monde des équipes scientifiques pluridisciplinaires traquent l’origine et les causes du TDA/H, depuis des décennies. Se tenir à jour de la quantité impressionnante des travaux de pointe publiés dans les revues scientifiques est un défi. Malgré la somme de travaux déjà engrangés, les mécanismes du TDA/H restent très partiellement compris.

Différents modèles du TDA/H ont été élaborés, certains mettant l’accent sur les questions neuropsychologiques, d’autres sur la neurobiologie ou la génétique, etc. L’enjeu est de relier entre eux ces modèles plus ou moins spécifiques à tel ou tel aspect du TDA/H, alors qu’ils proviennent de champs scientifiques distincts.

La difficulté de cette tâche laisse encore un long chemin à parcourir, pour décrypter le fonctionnement normal et pathologique d’un organe, le cerveau humain, à la complexité inouïe.

 

Le TDA/H concerne-t-il aussi les adultes ?

De même que le fonctionnement biologique du cerveau évolue, le TDA/H se transforme dans son expression, la vie durant. À la puberté puis au sortir de l’adolescence, le syndrome continue à se modifier.

Il n’est pas exceptionnel que l’hyperactivité disparaissent. Souvent elle diminue jusqu’à n’entrainer qu’une gêne mineure chez beaucoup d’adultes, ceux qui « ne s’arrêtent jamais » comme le constate leur entourage.

Avec la plénitude du fonctionnement cérébral, atteinte à l’âge mûr, le syndrome acquiert les caractères distincts du « TDA/H de l’adulte ».

Alors ce sont l’impulsivité et le déficit de l’attention, lorsqu’ils persistent à des degrés invalidants, qui affectent durablement la vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle des adultes concernés par le syndrome.

Le TDA/H concerne-t-il les deux sexes ?

L’image stéréotypée du TDA/H est celle d'un garçon s’agitant dans une salle de classe. Et le syndrome est diagnostiqué chez beaucoup plus de garçons que de filles. Mais les filles peuvent, elles aussi être atteintes. Et elles sont peut-être plus nombreuses que nous ne le pensons.

D’où vient le déséquilibre entre les sexes ?

La question reste débattue, sans réponse unique. Des facteurs culturels et éducatifs sont invoqués. Mais des facteurs biologiques et génétiques pourraient également contribuent à différencier le TDA/H entre les sexes.

Ces particularismes du TDA/H dans chaque sexe reflètent la complexité des facteurs environnementaux et biologies qui participent à la genèse du syndrome.

 

Pourquoi diagnostiquer le TDA/H ?

On le sait bien, ce sont des enfants fatigants voire épuisants, pour les adultes qui en ont la charge, qu’ils soient parents, enseignants, éducateurs, responsables sportifs. Mais là n’est pas la vraie raison d’agir !

En réalité, c’est pour l’enfant au premier chef, que le TDA/H a des conséquences handicapantes, en dégradant sa vie familiale, en nuisant à ses apprentissages scolaires et en altérant les relations avec ses pairs.

Cela justifie pleinement le temps, l’énergie et les moyens que les parents doivent consacrer à faire établir un diagnostic chez leur enfant, puis à mettre en œuvre une prise en charge efficace.

 

Les conséquences handicapantes du TDA/H se manifestent tôt, et d’autant plus chez un enfant ne recevant pas l’aide appropriée faute de diagnostic.

Les risques pour son développement psychologique et son épanouissement sont accrus par l’absence d’aide efficace, avec des conséquences et des séquelles se prolongeant éventuellement à l’âge adulte.

 

Trois raisons cruciales interdisent donc de rester indifférent ou résigné :

- c’est l’enfant, d’abord, qui souffre du TDA/H ;
- l’enfant est incapable d’y remédier, laissé à lui-même et si les adultes ne l’y aident pas ;
- les adultes disposent, en réalité, de moyens efficaces pour l’aider.

Sur quoi repose la prise en charge du TDA/H ?

C’est après un diagnostic précis, que sera élaboré un programme de soin et d’aide, dont les constituants potentiels sont recensés dans la rubrique « Prise en charge ».

 

Une prise en charge efficace est multiple, car elle se confronte aux difficultés variées qu’engendre le syndrome. À la diversité des situations, des gênes et des handicaps répond une variété de pratiques soignantes.

Synthétiquement elles s’articulent en deux grands volets. Le premier est psychosocial avec des méthodes diverses : psychothérapie et psychoéducation, aménagement de l’environnement scolaire et familial, neurofeedback, méditation, ....

Le second utilise des traitements médicamenteux. Il n’est pas nécessaire chez tous les enfants mais il s’avère remarquablement efficace chez certains.

 

Les deux volets sont complémentaires. Le premier, psychosocial, est indispensable, dans tous les cas ; et le second est à discuter au cas par cas.

 

Enfin les troubles associés au TDA/H, nombreux et fréquents, nécessitent quant à eux des bilans et des prises en charge spécifiques : psychothérapie comportementale et cognitive, orthophonie, psychomotricité, ergothérapie, etc.

Mais le TDA/H n’est pas qu’un handicap !

Le TDA/H a des conséquences handicapantes, aucun doute à ce sujet, et on ne saurait trop le souligner. Mais ce syndrome a une originalité profonde et qui importe beaucoup pour tous ceux qui s’y confrontent.

 

En effet, la valence de certaines des manifestations les plus typiques du TDA/H n’est pas uniquement négative.

Bien des traits du TDA/H ont au contraire une valence plurielle et variable, balayant au fil du temps le spectre du négatif au positif. Aussi handicapants soient-ils dans certains environnements et à certains moments, les mêmes traits du syndrome deviennent ailleurs des avantages et des facteurs de réussite.

 

Un seul exemple ici : le vagabondage mental. Cette distraction interne est particulièrement gênante chez l’écolier ayant un TDA/H, avec une abondance de conséquences néfastes pour sa scolarité : efforts supplémentaires à fournir face aux tâches d’apprentissage monotones et néanmoins indispensables, incessantes étourderies dans les travaux exécutés et mauvaises performances scolaires eu égard au potentiel.

Mais, en d’autres circonstances, ce même vagabondage mental devient une qualité (!), quand il fournit un riche terreau à l’imagination. Alors le vagabondage mental favorise la production d’idées nouvelles, et notamment chez l’adulte créatif, comme la psychologie cognitive le démontre.

La propension au vagabondage mental devient un avantage, à condition toutefois d’avoir bien appris à en tirer parti. Et c’est ainsi que le conçoivent nombre d’adultes. Ce sont en règle générale ceux qui savent maîtriser leur syndrome : « si c’était à refaire, je garde mon TDA/H ! »

Complexification du cortex cérébral